Le dernier jour d'un condamné, Victor Hugo
Cette couvre est absolument bouleversante. Sans artifice et sans grandiloquence, mais tout simplement, Victor Hugo, armé seulement de son talent, nous fait vivre intensément les derniers instants d'un être que la justice des hommes a condamné à mort. Espoirs et désespoirs, joies et souffrances, le séisme moral que subit cet homme, l'électrochoc de sa fin prochaine révoltent le lecteur. Ce livre est si fort, si intense, si éclatant, qu'au fond de notre âme quelque chose se fêle. Par cette fêlure, Hugo nous instille sa vérité et celle-ci enrobe notre conscience, la ronge de son horreur, nous montre l'ignominie de l'acte qui va être accompli ; et la fêlure devient fissure ; le flot de la verve hugolienne s'engouffre. Puis la fissure devient brèche, la vague de révolte émanant de ce texte nous submerge. A un certain moment de ce récit, l'intensité nous accule et, soit nous fermons le livre pour fuir notre responsabilité, soit quelque chose s'effondre et provoque un grand vide: le vide de la dureté, de la loi du talion. Avons-nous le droit de supprimer l'existence de quelqu'un en retour d'un quelconque crime, ou devons-nous nous faire un devoir de le sauver et d'aider à sa contrition ?
Enfin, cet ouvrage de Victor HUGO nous interpelle sur une question toujours d'actualité à travers le monde : a-t-on le droit de supprimer un homme au nom de la loi ?
Hugo y répond sans ambages.
*******
Je viens de le terminer, et je m'empresse de venir en parler ici tant cette lecture m'a plu. Plu dans le sens où Victor Hugo, dans ce court roman, dénonce la société. La société de son temps. Et j'aime les auteurs engagés.
C'est un plaidoyer contre la peine de mort.
Un homme est enfermé depuis un an environ. Il n'a pas vu sa femme ni sa fille depuis. Il attend de passer sous la guillotine. On le regarde évoluer dans les dernieres heures de sa vie de prisonnier, de sa cellule aux marches de l'échafaud.
Il y a plusieurs choses qui m'auront choquée dans ce texte.
D'une part, du point de vue de la symbolique utilisée par Victor Hugo. On sent que le condamné n'est plus un homme. Il n'est plus humain. Il est "un condamné". Il n'a plus aucun droit, plus aucune dignité. On ne sait pas quel crime il a commis pour se retrouver là. On ne sait pas, et qu'importe. Il s'agit d'un être humain que l'on va couper en 2 morceaux. Voilà, c'est tout.
Il a peut-etre tué un enfant ? Volé une pomme ? C'est pareil. Il sera guillotiné. Parce qu'il le mérite, ou pour l'exemple ... Le fait est là.
Tout au long du texte, le personnage se dit "peut-etre que ...". Peut-etre qu'il sera gracié au dernier moment. Peut-etre qu'on lui dira que c'est un mauvais rêve. Peut-etre que la guillotine sera gripée et ne tombera pas ... Peut-etre.
Autre chose de choquant, c'est la façon dont Hugo décrit la foule. Une foule sanguinaire. Qui attend avidement la mise à mort.
Dans la préface de 1832, il est dit que l'idée de ce roman est venue à Hugo alors qu'en se promenant à Paris, il s'est retrouvé à regarder une mise à mort sur la place de Grève. De cet évènement est né ce livre, en 1829. Il décrit la foule telle qu'il l'a vue à ce moment là. La foule qui acclamait.
Il faut dire qu'à l'époque, la mise à mort d'un prisonnier était un spectacle à ne pas manquer.
Que dire aujourd'hui d'un tel texte ? Aujourd'hui alors que la peine de mort est abolie en France depuis 1981 (texte de loi datant du 9 octobre 1981) ...
Il est difficile de parler de ce genre de sujet. Chacun a son propre avis, basé sur un vécu, ou sur des textes lus de parts et d'autres ... Tant d'affaires connues de peine de mort sur erreur judiciaire restent dans nos esprits (l'histoire du "Pull Over Rouge" ou l'affaire Seznec). Etait-il bien nécessaire de supprimer des gens pour se rendre compte par la suite que les preuves n'étaient pas suffisantes ... ?
Et pour le roman de Hugo ... A-t-on vraiment suffisemment de preuves pour guillotiner cet homme, mari et papa d'une petite fille de 3 ans ? Le crime commis justifie-t-il la mise à mort ?
Difficile de conclure, aussi, je préfère recopier un passage ...
" [...] Que me disait-il donc, l'avocat ? Les galères* ! Ha ! Oui, plutot mille fois la mort ! plutot l'échafaud que le bagne, plutot le néant que l'enfer ; plutot livrer mon cou au couteau de Guillotin qu'au carcan de la chiourme ! Les galères, juste ciel ! [...]".
(* l'avocat lui disait qu'il essaierait, au procès de ne lui obtenir "que" le bagne à perpétuité ...).